samedi 20 février 2016

La Bosnie, paradis immobilier pour riches clients du Golfe

Les prix de l'immobilier grimpent en flèche en Bosnie-Herzégovine, où de riches investisseurs musulmans construisent parfois des villes entières.

360 villas, un lac artificiel, des commerces et une salle de prière sont en construction à Blazuj près de Sarajevo. ( AFP / ELVIS BARUKCIC )

360 villas autour d'un lac artificiel, des piscines, des terrains de sport, un supermarché hallal et un lieu de prière pour les musulmans : le "Sarajevo Resort" symbolise l'intérêt croissant des ressortissants de pays du Golfe pour la Bosnie. C'est le plus important projet achevé à ce jour pour une clientèle immobilière attirée par l'idée d'avoir un pied-à-terre en Europe, ou une destination vacance au sein d'une communauté musulmane.
Inauguré en octobre à Osenik, à une trentaine de km de la capitale bosnienne, et construit sur un terrain de 160.000 m2, ce quartier résidentiel représente un investissement de 25 millions d'euros de la compagnie koweïtienne Gulf Real Estate. Il peut accueillir 1.100 personnes. "Les gens du Golfe sont attirés par la beauté de la nature, la présence de l'islam et le contact chaleureux des Bosniens. Ils se sentent bienvenus ici", dit Tarek Al Khaja, homme d'affaires émirati.
Depuis 2010, la Bosnie a facilité l'accès aux ressortissants des pays du Golfe, en supprimant progressivement pour la plupart des pays de la zone. Depuis, le nombre de touristes venant de cette région n'a cessé d'augmenter. Ils représentaient 24.500 personnes en 2015 sur les quelque 360.000 touristes enregistrés au total dans la région de Sarajevo. Ce boom des touristes du Golfe attire les capitaux immobiliers : "les investisseurs viennent en Bosnie car le développement touristique y est prometteur", fait valoir le directeur du "Sarajevo Resort", Jasem Al Kanderi. Il dope notamment les affaires de l'agence touristique et immobilière de Tarek Al Khaja, ouverte il y a trois ans à Sarajevo, "Al Suwaidi & Al Khaja". Les vendeurs bosniens y défilent, certains proposant un terrain, d'autres une maison à la campagne, et l'agence achète des biens.
LES PRIX DE L'IMMOBILIER GRIMPENT
"Le volume de l'immobilier que notre agence a acquis en 2015, pour nous et pour nos clients, s'est élevé à quelque 10 millions d'euros", dit le patron de l'agence. Lui-même a acheté des terrains pour y construire un quartier résidentiel haut de gamme pour la clientèle du Golfe. Le marché est en "constante croissance", se félicite Tarek Al Khaja, en précisant que les prix ont considérablement augmenté, "jusqu'à 100% en trois ans".
Les clients du Golfe représentent une manne touristique certaine pour la Bosnie. "Ce ne sont pas les plus nombreux mais ils dépensent beaucoup plus que les autres, environ 150 euros par jour et par personne, outre les frais de l'hôtel", souligne Asja Hadziefendic Mesic, porte-parole de l'Office du tourisme de Sarajevo. Aussi des stations touristiques ou quartiers résidentiels adaptés aux ressortissants du Golfe naissent-ils dans les alentours pittoresques de Sarajevo. Outre le colossal "Sarajevo Resort", plusieurs autres projets similaires sont sur le point de démarrer, certains gigantesques.
Les politiques ont bien compris l'enjeu. C'est le leader des musulmans de Bosnie, Bakir Izetbegovic, qui avait inauguré lui-même le site en octobre. "La Bosnie est un pays européen (...) elle a de l'eau, des forêts, des mines, des potentiels énergétiques et touristiques. Nos frères (du Golfe) ont remarqué ces atouts", avait relevé Bakir Izetbegovic. En Bosnie, environ 40% des 3,8 millions d'habitants sont musulmans, les autres étant des Serbes (chrétiens orthodoxes) et des Croates (catholiques).
"Ce n'est que le début, nous venons d'ouvrir la porte - à condition, bien sûr, que la stabilité soit préservée" dans les Balkans, dit Amer Bukvic, directeur de la Bosna Bank International (BBI), un établissement fondé par des banques de pays du Golfe et qui joue un rôle important pour attirer de riches investisseurs arabes. Selon Amer Bukvic, l'instabilité au Proche-Orient est précisément l'un des facteurs qui expliquent l'intérêt des gens du Golfe pour la Bosnie. "Beaucoup cherchent la possibilité d'avoir un pied-à-terre ailleurs, en cas de besoin", dit-il.
DES VILLES ENTIÈRES SORTENT DE TERRE
L'investissement le plus massif à venir a été annoncé en octobre par la société émiratie Buroj Property Development, qui entend construire près de Sarajevo une ville entière sur 137 hectares, pour un investissement qui frôle le milliard d'euros (930 millions).
La compagnie koweïtienne Al-Diyar est, elle, déjà en train de bâtir un quartier résidentiel à Blazuj, à une dizaine de kilomètres de l'aéroport de Sarajevo, prévu pour accueillir plus de 360 familles, raconte le directeur de cette société, Abdullah Al-Kulaib, un ancien banquier de 34 ans. Il assure avoir six autres projets similaires en préparation. "Nous avons investi jusqu'à maintenant 14 millions d'euros. Les clients sont divers, nous en avons eu qui ne savaient rien sur la Bosnie, qui n'ont jamais mis les pieds ici et même certains qui n'aiment pas la nature", dit Abdullah Al-Kulaib.
Alors que des hôteliers et restaurateurs s'enthousiasment et ont ajouté la langue arabe dans les menus, certains observent le phénomène avec une certaine prudence. Quelques médias et des participants aux forums en ligne évoquent une "invasion" ou encore affirment que la région de Sarajevo est en train de devenir un "émirat". Le magazine Slobodna Bosna parlait en octobre de "la bande de Gaza de Sarajevo". Un hôtelier à Sarajevo a raconté que son établissement avait profité de la "ruée" des touristes du Golfe, mais affirmé qu'il s'opposait à la construction de quartiers destinés aux clients arabes. Selon cet homme qui préfère garder l'anonymat, ce serait un "manque à gagner" pour les hôtels. De son point de vue, "le meilleur touriste pour un pays, c'est celui qui vient louer une chambre d'hôtel".
boursorama.com



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